LES RÉFUGIÉS ESPAGNOLS JUSQU'EN JUIN 1940 :
DE LA RETIRADA A L'EXODE
Henri Fabuel et Jean-Marie Minguez
Exil
Fuir la guerre d'Espagne
Mi padre me contó cómo estallaban las bombas sobre los almacenes del puerto de Misent durante la guerra civil: Yo no paraba de hablarte, me contó mi padre, más que quitarte a ti el miedo, lo que hacía, hablando sin parar, era quitarme el miedo que sentía yo. Pegabas la cara contra mi pecho y cerrabas los ojos. Yo no me acuerdo de nada de eso. Sólo de lo que él me contó. Carreras, estruendo, fogonazos: todo olvidado. De tener la cara pegada a la camisa blanca de mi padre, de eso me acuerdo. Es uno de mis recuerdos de infancia. La camisa blanca, el olor de agua de colonia. |
Rencontre avec Jean-Marie Minguez,
dessinateur de la BD Exil.
Vous avez parlé de l’exil des républicains espagnols durant la guerre civile dans votre BD Exil. Pourquoi ce sujet ?
Exil est un album très particulier parce que le personnage principal de l’album est mon grand-père paternel. Un jour où on était à table, j’avais discuté avec ma grand-mère et je lui ai demandé comment ils étaient arrivés en France et là, elle m’a raconté l’album. Puis, j’ai rencontré Henri Fabel qui est mon co-scénariste sur cet album qui m’a dit « écoute Jean-Marie, on va écrire l’histoire de ta famille, en s’adressant à moi ». Au début, j’ai dessiné une version couleur et on a eu un éditeur qui nous a dit « on verrait bien ça en gros bouquin d’une centaine de pages dans la collection Intégra mais par contre c’est en noir et blanc ». J’ai donc refait les planches. J’ai fait de l’aquarelle parce que ça donne un cachet un peu particulier et de la texture au noir et blanc…
Pourquoi avoir fait une bande dessinée et non un roman ?
Tout simplement parce que je suis dessinateur de bande dessinée. Je ne suis pas écrivain, je ne suis pas romancier. Mon métier a toujours été mon rêve d’enfant : faire de la bande dessinée.
Exil est un album très particulier parce que le personnage principal de l’album est mon grand-père paternel. Un jour où on était à table, j’avais discuté avec ma grand-mère et je lui ai demandé comment ils étaient arrivés en France et là, elle m’a raconté l’album. Puis, j’ai rencontré Henri Fabel qui est mon co-scénariste sur cet album qui m’a dit « écoute Jean-Marie, on va écrire l’histoire de ta famille, en s’adressant à moi ». Au début, j’ai dessiné une version couleur et on a eu un éditeur qui nous a dit « on verrait bien ça en gros bouquin d’une centaine de pages dans la collection Intégra mais par contre c’est en noir et blanc ». J’ai donc refait les planches. J’ai fait de l’aquarelle parce que ça donne un cachet un peu particulier et de la texture au noir et blanc…
Pourquoi avoir fait une bande dessinée et non un roman ?
Tout simplement parce que je suis dessinateur de bande dessinée. Je ne suis pas écrivain, je ne suis pas romancier. Mon métier a toujours été mon rêve d’enfant : faire de la bande dessinée.
Parfois, on a l’impression qu’il y a des ellipses. Pourquoi ? Ou dans quel but ?
Il y a deux choses. La bande dessinée est constituée d’ellipses. Ce que l’on voit entre deux cases, c’est-à-dire les gouttières, c’est une ellipse temporelle, que ce soit une ellipse d’une seconde ou de trois mois, cela s ‘appelle une ellipse. La bande dessinée n’est faite que d’ellipses entre les instants que l’on montre. |
Mais, effectivement, dans l’album il y a souvent des doubles pages noires avec une photo et avant cela une page rétrospective. Et celles-là ce sont vraiment des vraies ellipses temporelles, parce que l’album est construit en double flashback : au début de la bande dessinée, lors des trois premières pages, nous sommes dans le présent, dans les années 70. Ensuite nous entrons dans la photo que Francisco a sur sa cheminée, et là il rentre dans ses souvenirs, donc nous remontons le temps et nous arrivons en 1939. Puis il y a un second flashback et nous revenons en 1936, au début du conflit, lorsqu’il quitte sa femme et ses enfants, pour finalement revenir au présent des années 70. Ainsi les ellipses nous permettent d’avancer dans le temps, de manière à continuer de raconter quelque chose d’intéressant.
Lorsqu’il y a des pages noires, il y a des petites photos. Pourquoi ?
Dans un premier temps, pour le coté intime de la chose, c’est à dire lorsque c’est petit il y a une part de protection. Par exemple si je mets la même photo en plein cadre, nous n’aurons pas la même impression visuelle, nous aurons l’impression que cela nous saute au visage. C’est un peu l’astuce de mise en page. Dans la bande dessinée cela permet d’avoir un coté ʺje dévoile un secretʺ. Dans un second temps parce qu’elles sont à l’échelle une, les photos ont cette taille là.
Les photos sont-elles tirées d’archives ou sont-elles des photos de famille ?
Ce sont des vraies photos de famille. La première est la photo la plus ancienne que ma grand-mère avait de mon grand-père. J’ai tenu à garder les photos telles quelles. J’aurais pu choisir de les retoucher, mais j’ai voulu garder le côté authentique, comme si c’était sorti de l’album photos. Je voulais vraiment qu’on ait cette impression d’entrer un peu dans l’intimité des personnages. Ensuite la deuxième photo que l’on retrouve a été prise juste après que Francisco, mon grand-père, retourne au village. Il s’est déroulé à peu près 5 ans entre la première et la deuxième photo, mais visuellement il a pris 25 ans. Si on compare la première photo et la seconde, on voit très clairement et en peu de temps les effets de la guerre sur une personne.
Tout au long de la bande dessinée, on retrouve une histoire autour d’un appareil photo. Est-elle réelle ?
Le récit est basé sur l’histoire de mon grand-père, mais c’est aussi un récit romancé qui cherche à raconter l’histoire de 500 000 personnes qui ont traversé la frontière. Il y a donc des choses qui sont vraies, qui font partie de ce que ma grand-mère m’a raconté, qui forment le squelette de l’album, et il y a plein de choses qu’il a fallu romancer, imaginer, inventer pour rendre le récit intéressant à lire.
Lorsqu’il y a des pages noires, il y a des petites photos. Pourquoi ?
Dans un premier temps, pour le coté intime de la chose, c’est à dire lorsque c’est petit il y a une part de protection. Par exemple si je mets la même photo en plein cadre, nous n’aurons pas la même impression visuelle, nous aurons l’impression que cela nous saute au visage. C’est un peu l’astuce de mise en page. Dans la bande dessinée cela permet d’avoir un coté ʺje dévoile un secretʺ. Dans un second temps parce qu’elles sont à l’échelle une, les photos ont cette taille là.
Les photos sont-elles tirées d’archives ou sont-elles des photos de famille ?
Ce sont des vraies photos de famille. La première est la photo la plus ancienne que ma grand-mère avait de mon grand-père. J’ai tenu à garder les photos telles quelles. J’aurais pu choisir de les retoucher, mais j’ai voulu garder le côté authentique, comme si c’était sorti de l’album photos. Je voulais vraiment qu’on ait cette impression d’entrer un peu dans l’intimité des personnages. Ensuite la deuxième photo que l’on retrouve a été prise juste après que Francisco, mon grand-père, retourne au village. Il s’est déroulé à peu près 5 ans entre la première et la deuxième photo, mais visuellement il a pris 25 ans. Si on compare la première photo et la seconde, on voit très clairement et en peu de temps les effets de la guerre sur une personne.
Tout au long de la bande dessinée, on retrouve une histoire autour d’un appareil photo. Est-elle réelle ?
Le récit est basé sur l’histoire de mon grand-père, mais c’est aussi un récit romancé qui cherche à raconter l’histoire de 500 000 personnes qui ont traversé la frontière. Il y a donc des choses qui sont vraies, qui font partie de ce que ma grand-mère m’a raconté, qui forment le squelette de l’album, et il y a plein de choses qu’il a fallu romancer, imaginer, inventer pour rendre le récit intéressant à lire.
Ainsi, cet élément de l’appareil photo fait partie des éléments romancés sur lesquels on s’est appuyé pour dérouler notre récit. Mais il y a plein d’autres éléments que ma grand-mère m’a racontés et qui sont présents dans l’album comme par exemple le fait que mon grand-père a été le seul acquitté parmi tous les gens qui ont été jugés en Espagne. Le fait que mon grand-père avait apparemment eu une aventure amoureuse et que ça avait fait beaucoup rire ma grand-mère, cela aussi c’est vrai. Par contre, ce que l’on a imaginé c’est le fait que ce soit Cristina, la fille qui a sauvé mon Grand-Père après avoir reçu une balle, cela est imaginé. Mais tout cela permettait d’introduire le personnage et le fait qu’au sein même des familles il y avait un déchirement : le père était franquiste et la fille était républicaine, et cela pouvait arriver dans toutes les familles.
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Est-ce que les prénoms sont inspirés de vraies personnes ou inventés ?
Les deux ! Tout d’abord je porte le nom de mon grand-père, il s’appelait Francisco Minguez Parilla et il était hors de question que l’on retrouve Minguez à toutes les pages de l’album. J’ai donc changé le nom de mon grand-père. Ce que j’ai fait, c’est que j’ai enlevé Minguez et j’ai mis Parilla qui était son deuxième nom de famille. Pour ce qui est des autres personnages, notamment la liste lors du procès, j’ai inventé les noms et les prénoms. Ces personnages font partie des figurants qui permettaient de faire monter la tension. L’important n’était pas le nom, mais plutôt ce qui allait se passer pour le personnage principal et pour son frère.
Avez-vous fait des recherches pour écrire la bande dessinée ?
J’ai fait énormément de recherches, mais je me rends compte aujourd’hui que je suis arrivé un peu tôt, à un moment où les informations sur cette période ont commencé à arriver en masse grâce à internet et à des personnes comme moi, de la deuxième génération. Elles sont arrivées à peu près quand l’album est sorti. Je suis allé à la bibliothèque de Perpignan, j’ai pris quelques photos de livres etc.… Mais par rapport à ce qui est sorti après, c’était rien. Il a donc fallu que je compose avec mes souvenirs des endroits, par exemple l’appartement dans lequel mon grand-père vit au tout début de l’album et aussi à la toute fin, je l’ai dessiné de tête. Il y a des lieux qui sont vrais, d’autres non. Il y a même eu un bug à la page 50, où j’ai dessiné un bâtiment qui n’est pas exactement comme dans la réalité. Mais ce n’est pas très grave parce que finalement, ce n’est pas essentiel dans le récit.
Pourquoi avez vous choisi de mélanger le français à quelques répliques espagnoles ?
C’est pour le coté réel, et puis les gros mots passent mieux en espagnol ! De plus, parfois les traductions ne reflètent pas réellement l’insulte. L’idée était de saupoudrer le récit de mots espagnols parce que c’est en français mais les personnages, dans notre tête ils parlent espagnol donc c’est important que certains mots arrivent en espagnol.
Pourquoi ne pas avoir fait la bande dessinée en espagnol ?
Alors ça, c’est la décision de l’éditeur Vent d’Ouest. C’est eux qui détiennent les droits de l’exploitation de l’album et donc de traduction. Mon regret pour l’instant, c’est que l’album ne soit pas encore sorti en espagnol. Exil, au-delà du fait de parler des réfugiés républicains espagnols parle aussi de tous ceux qui doivent quitter leur pays à cause de la guerre et qui se retrouvent finalement ni intégrés dans le pays d’arrivée ni réintégrables dans leur pays d’origine.
Il y a beaucoup de violence dans la BD. Cela peut-il empêcher les enfants de le lire ?
Ce livre n’est pas destiné aux enfants, c’est une bande dessinée qu’on peut lire à partie de 14-15 ans, en dessous je pense qu’on n’a pas les clés ni le recul pour comprendre. Ensuite, c’est la guerre, donc la violence aurait été présente dans tout les cas. C’était pour montrer qu’il n’y avait pas que les « gentils » contre les « méchants ». Les « gentils » - les républicains - ceux qui se sont vu agressés par les franquistes, ont aussi fait des choses pas jolies. Après, il y avait les actions un peu plus violentes mais qui ne rentraient pas dans le cadre du récit. Par exemple, un groupe de républicains a emmuré des religieuses vivantes, donc la représentation d’une photo d’une religieuse nue dans l’album n’est pas grand chose par rapport à ce qui a pu exister…
C’est un récit qui se passe en temps de guerre, donc c’est normal de voir des choses horribles, mais il faut arriver à le montrer de manière subtile.
Les deux ! Tout d’abord je porte le nom de mon grand-père, il s’appelait Francisco Minguez Parilla et il était hors de question que l’on retrouve Minguez à toutes les pages de l’album. J’ai donc changé le nom de mon grand-père. Ce que j’ai fait, c’est que j’ai enlevé Minguez et j’ai mis Parilla qui était son deuxième nom de famille. Pour ce qui est des autres personnages, notamment la liste lors du procès, j’ai inventé les noms et les prénoms. Ces personnages font partie des figurants qui permettaient de faire monter la tension. L’important n’était pas le nom, mais plutôt ce qui allait se passer pour le personnage principal et pour son frère.
Avez-vous fait des recherches pour écrire la bande dessinée ?
J’ai fait énormément de recherches, mais je me rends compte aujourd’hui que je suis arrivé un peu tôt, à un moment où les informations sur cette période ont commencé à arriver en masse grâce à internet et à des personnes comme moi, de la deuxième génération. Elles sont arrivées à peu près quand l’album est sorti. Je suis allé à la bibliothèque de Perpignan, j’ai pris quelques photos de livres etc.… Mais par rapport à ce qui est sorti après, c’était rien. Il a donc fallu que je compose avec mes souvenirs des endroits, par exemple l’appartement dans lequel mon grand-père vit au tout début de l’album et aussi à la toute fin, je l’ai dessiné de tête. Il y a des lieux qui sont vrais, d’autres non. Il y a même eu un bug à la page 50, où j’ai dessiné un bâtiment qui n’est pas exactement comme dans la réalité. Mais ce n’est pas très grave parce que finalement, ce n’est pas essentiel dans le récit.
Pourquoi avez vous choisi de mélanger le français à quelques répliques espagnoles ?
C’est pour le coté réel, et puis les gros mots passent mieux en espagnol ! De plus, parfois les traductions ne reflètent pas réellement l’insulte. L’idée était de saupoudrer le récit de mots espagnols parce que c’est en français mais les personnages, dans notre tête ils parlent espagnol donc c’est important que certains mots arrivent en espagnol.
Pourquoi ne pas avoir fait la bande dessinée en espagnol ?
Alors ça, c’est la décision de l’éditeur Vent d’Ouest. C’est eux qui détiennent les droits de l’exploitation de l’album et donc de traduction. Mon regret pour l’instant, c’est que l’album ne soit pas encore sorti en espagnol. Exil, au-delà du fait de parler des réfugiés républicains espagnols parle aussi de tous ceux qui doivent quitter leur pays à cause de la guerre et qui se retrouvent finalement ni intégrés dans le pays d’arrivée ni réintégrables dans leur pays d’origine.
Il y a beaucoup de violence dans la BD. Cela peut-il empêcher les enfants de le lire ?
Ce livre n’est pas destiné aux enfants, c’est une bande dessinée qu’on peut lire à partie de 14-15 ans, en dessous je pense qu’on n’a pas les clés ni le recul pour comprendre. Ensuite, c’est la guerre, donc la violence aurait été présente dans tout les cas. C’était pour montrer qu’il n’y avait pas que les « gentils » contre les « méchants ». Les « gentils » - les républicains - ceux qui se sont vu agressés par les franquistes, ont aussi fait des choses pas jolies. Après, il y avait les actions un peu plus violentes mais qui ne rentraient pas dans le cadre du récit. Par exemple, un groupe de républicains a emmuré des religieuses vivantes, donc la représentation d’une photo d’une religieuse nue dans l’album n’est pas grand chose par rapport à ce qui a pu exister…
C’est un récit qui se passe en temps de guerre, donc c’est normal de voir des choses horribles, mais il faut arriver à le montrer de manière subtile.